Le voyage immobile dans un wagon destiné au voyage mobile.
La compagnie internationale des wagons lit. Ses salons chambre sur roues qui ont transporté le monde d’hier du Nord au sud, de l’est à l’ouest de la vieille Europe. Mis au rebut d’un monde toujours plus rapide, qui prend un Airbus comme nos aïeux prenaient la diligence.
Le wagon lit était à vendre, en l’état, à prendre ou à laisser. Le bleu et or sont ternis, les vitres sont fendues, et les portes ne laissent plus apparaître aucun groom stylé en gants blancs.
Autour de moi tous ricanent, se gaussent. Elle déménage sérieusement, vouloir vivre dans un wagon, même lit, ça n’a pas de sens quand on a une maison. C’est bon pour les clochards en recherche d’un abri de fortune.
Aujourd’hui il est là mon wagon, posé sur un tout petit terrain surplombant l’océan.Les voisins s’étonnent, toutes les maisons autour sont cossues. Est ce une romanichelle qui va polluer la tranquillité bon enfant du quartier? Ils ne sont pas hostiles, curieux et circonspects, un peu vexés aussi que le propriétaire de ce petit terrain ne se soit pas mieux renseigné avant de vendre. Les rideaux se soulèvent discrètement sur mon passage.
Aujourd’hui je rentre chez moi, pas chez nous ou chez eux, chez moi. Un salon, une chambre et ce minuscule cabinet où le voyageur d’antan faisait ses ablutions.
Ma nouvelle maison est petite, il a fallu choisir dans l’accumulation d’une autre maison trop grande. Des livres? Comment choisir ceux qui doivent partir. Qui aura le droit de m’accompagner? Des films? Inutiles car dans peu de temps ils seront invisibles. La garde robe bien garnie, trop garnie, ne garder que ce que la décence et les aléas du climat nécessitent. Reste l’ordinateur, je n’ai pas tranché, il est là ,triomphant, sur la minuscule table en palissandre.